MENHIRS DéTRUITS à CARNAC: L’IMPORTANCE DU SITE REMISE EN QUESTION

Alors que des travaux pour installer un magasin de bricolage ont détruit des mégalithes datant du néolithique à Carnac, la Direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne affirme désormais que la valeur du site "n’est pas établie", ce que contestent certains acteurs locaux.

Les 39 menhirs rasés pour construire un magasin de bricolage de l'enseigne Mr. Bricolage à Carnac, dans le Morbihan, étaient-ils des vestiges majeurs? La Direction régionale des Affaires culturelles (Drac) de Bretagne tente aujourd’hui de minimiser leur importance, suite au tollé provoqué par la destruction de ce site. Les archéologues locaux contredisent cette version.

Ces deux alignements de 39 pierres avaient été érigés au néolithique (entre 6000 et 2200 avant notre ère), et mesuraient un peu moins de deux mètres de hauteur. L'entreprise Mr. Bricolage a pourtant obtenu un permis de construire valide sur ce terrain en bonne et due forme auprès de la mairie de Carnac, délivré le 22 août 2022.

La valeur archéologique du site en question

"Du fait du caractère encore incertain et dans tous les cas non majeur des vestiges tels que révélés par le diagnostic, l’atteinte à un site ayant une valeur archéologique n’est pas établie", assure l’établissement public dans un communiqué publié le 7 juin.

Ces 39 menhirs faisaient pourtant partie d'un groupe de 397 mégalithes répartis sur Carnac et 26 autres communes morbihannaises qui concoure à une classification au patrimoine mondial de l'Unesco, notamment sous la houlette du maire de Carnac, Olivier Lepick.

Ce dernier assurait ne pas avoir failli à ses obligations préalables à la délivrance du permis et qu’il n’était simplement pas au courant de la présence de ces vestiges.

"Ces petits menhirs constituaient sans doute l’un des ensembles du genre le plus ancien de France, à en juger par les datations Carbone 14 obtenues en 2010" sur un site à 200 mètres, répond sur son blog Christian Obeltz, un chercheur en archéologie basé à Carnac.

"Une datation autour de 5480-5320 avant J.-C. laisse penser que les premiers constructeurs de mégalithes n’étaient pas les agriculteurs-éleveurs du néolithique (qui démarre en Bretagne vers 5000) mais les chasseurs-cueilleurs-pêcheurs du Mésolithique. Une révolution dans la perception de l’évolution des sociétés", indique ce spécialiste du néolitique, qui a révélé l’affaire.

Des fouilles qui n’ont finalement pas eu lieu

Un diagnostic de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) en 2015, préconisant davantage de recherches. Le Drac Bretagne mentionne l’existence de ce rapport, et explique avoir elle-même "prescrit en juillet 2015 une fouille sur 2000 m², à l’emplacement de ces deux files de blocs".

Au final, "aucune suite n’a été donnée par le maître d’ouvrage à cette prescription puisque le permis de construire pour le supermarché a finalement été refusé pour des raisons non liées à l’archéologie", poursuit la Drac.

Pourtant, lors de la nouvelle demande saisie par le même propriétaire en 2022, "l'architecte des bâtiments de France a rendu un avis favorable".

Préservation archéologique

Alors une fouille était-elle obligatoire? De son côté, la Drac s’abrite derrière le fait que si files de blocs ont bien été repérés lors de l’opération de l’Inrap, "aucun vestige archéologique n’a alors été découvert".

"Seules des observations complémentaires sur les monolithes, voire une fouille, permettrait de certifier l'origine néolithique de cet ensemble qui pourrait au final s'inscrire en bonne place dans la cartographie des monuments mégalithiques locaux", expliquait pourtant l'Inrap dans son diagnostic.

"On peut regretter que les petits menhirs du Chemin de Montauban n’aient pu, au moins pour certains, être transférés au Musée de Préhistoire de Carnac, plutôt qu’être broyés dans des machines à concasser pour venir remblayer les abords du Mr. Bricolage", regrette également le passionné d’archéologie Christophe Obeltz.

Suite à cette destruction, l’association de défense du patrimoine, Koun Breizh ("Mémoire bretonne", en breton), a annoncé avoir déposé une plainte contre X pour destructions volontaires aggravées. "L'objectif de cette plainte n'est pas de mettre en cause tel ou tel élu mais d'éclairer le processus de décision qui a abouti à ces destructions malgré toutes les formes de protection prévues par la loi", a assuré son président, Yvon Ollivier, interrogé par l’AFP. "Il s'agit de faire en sorte que de tels faits ne se reproduisent plus."

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