ANTISEPTIQUES, HUILES PARFUMéES, GOUDRONS… LA RECETTE (éGYPTIENNE) POUR BIEN PRéPARER DES MOMIES
Des chercheurs allemands ont récemment analysé avec succès le contenu de récipients entreposés dans un atelier de momification vieux de 2 700 ans dans l’Égypte antique.
Comment réussir une « bonne » momie ? En suivant une recette ! Les embaumeurs faisaient partie des professionnels honorés de l’Égypte antique, et leur art de la momification a permis à certaines d’entre elles de nous parvenir dans un état exceptionnel. Cependant, si le long rituel (70 jours) est minutieusement décrit dans des textes anciens, il y avait peu de traces écrites des matières et des proportions utilisées.
Un trou dans la raquette qui est aujourd’hui en partie comblé. Une étude publiée le 1er février dans Nature, une équipe d’archéologues pilotée par Philippe Stockhammer, archéologue à l’université Ludwig Maximilian de Munich (Allemagne) lève un bon coin du voile. Les chercheurs ont analysé le contenu de « 31 récipients en céramique récupérés dans un atelier d’embaumement de la 26e dynastie » (soit il y a ans), à Saqqarah, la vaste nécropole située dans la région de Memphis, au sud du Caire. Trouvé en 2016, cet atelier est le premier du genre à être mis au jour.
Fait essentiel, les « récipients (tasses bols, brule-encens…) étaient étiquetés en fonction de leur contenu et/ou de leur utilisation ».
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Action antibactérienne
Antiseptiques (pour stopper la dégradation de la chair), huiles parfumées, goudrons, résines étaient utilisés tant pour le traitement des corps que des enveloppes. « Les spécialistes de la momification semblent avoir été conscients à la fois des propriétés chimiques et de la bioactivité des substances utilisées » écrivent les chercheurs dans leur conclusion.
Les corps enduits de natron (du carbonate de sodium qui se forme naturellement dans les régions désertiques) étaient traités avec des mélanges collants et gras, à action antibactérienne, afin de bloquer la décomposition des corps. Les produits ont été analysés par deux techniques classiques mais puissantes d’identification chimique : la chromatographie en phase gazeuse et la spectrométrie de masse, permettant tant la détection des éléments chimiques que de leur proportion.
Si des études sur des momies avaient déjà mis en évidence certains produits, notamment les résines d’arbre ou le bitume, c’est la première fois que l’on pouvait explorer le travail en amont des embaumeurs.
Des onguents bien gras et collants
De nombreux produits étaient mélangés et chauffés pour être appliqués sous forme d’onguents gras… ce qui a facilité leur analyse (le gras se conserve bien) par les chercheurs contemporains. Une des limites de l’étude est cependant ce temps long. Certains produits ont pu se dégrader au cours du temps, et leur composition chimique se modifier.
Les enseignements sont cependant précieux. Notamment la présence de nombreux composés organiques importés (et tout particulièrement des résines d’arbres), qui, ont, selon les chercheurs favorisé le commerce tout autour de la Méditerranée mais également avec des régions tropicales asiatiques (et peut-être africaines).
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Des produits sacrés décryptés
Autre bénéfice, le nom donné à certaines substances a pu être objectivé. Ainsi le produit cité dans les textes sacrés comme antiu était souvent traduit par myrrhe, qui désigne la résine d’un arbre particulier. Alors que d’autres résines, notamment de cèdres du Liban ont été retrouvées dans des récipients ainsi étiquetés, laissant supposer que le terme pourrait désigner plus largement toutes les résines végétales.
Parallèlement, la composition du séfet, décrit comme l’une des sept huiles sacrées a pu être détaillée : c’est un mélange de graisse animale et de résine de cyprès ou de genévrier.
Une chose est sûre, après plus de 1 500 ans de pratique (les momies les plus anciennes avoisinent les 4 300 ans), les embaumeurs égyptiens avaient atteint une maîtrise absolument remarquable de l’art de conserver les morts.
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