HUIT IDéES REçUES SUR LE CANCER, PASSéES AU CRIBLE

Fumer quelques cigarettes par jour, faire des UV en cabine de temps en temps… nous connaissons mal les facteurs de risque de cancers montre le baromètre de l’Institut national du cancer.

Boire un peu de vin tous les jours diminue-t-il les risques de cancer ? Fumer quatre ou cinq cigarettes par jour est-il sans danger ? Rien d’étonnant si les réponses à ces questions ne sont pas totalement claires pour vous. En témoigne le baromètre de l’Institut national du cancer (INCa), qui a interrogé près de cinq mille Français de 15 ans à 85 ans sur les facteurs de risque cancérigène. Les résultats de cette enquête, publiés lundi 30 janvier, laissent apparaître des idées reçues qui ont la vie dure. En voici huit passées au crible.

« Il faut fumer au moins vingt cigarettes par jour pour risquer un cancer »

C’est faux

Un fumeur sur deux sous-estime les risques liés à sa consommation de tabac. Notamment concernant le seuil de dangerosité, c’est-à-dire le nombre de cigarettes fumées par jour ou le nombre d’années de tabagisme susceptibles de déclencher un cancer.

Les fumeurs pensent ainsi, à tort, que le risque de cancer lié au tabac existe seulement à partir de 9,2 cigarettes par jour et 13,4 années de tabagisme. Plus d’un fumeur sur cinq (21,2 %) considère même qu’il existe un risque de cancer lié au tabac seulement au-delà de vingt cigarettes par jour.

Or, il n’existe pas de seuil au-dessous duquel le risque de cancer du poumon ou de maladies cardiovasculaires est nul, rappelle Santé publique France (SPF). Les petits fumeurs ne sont pas à l’abri des risques. Selon une étude de 2005 parue dans la revue britannique Tobacco Control, fumer une à quatre cigarettes par jour est associé à un risque trois plus élevé de mourir d’une cardiopathie ischémique. Celui de mourir d’un cancer du poumon est multiplié par 2,79 chez les hommes et par 5,03 chez les femmes. Le risque de décès, quelle qu’en soit la cause, est augmenté de 50 %.

« Les fumeurs inhalent tous les jours des produits toxiques. Vous avez beau réduire votre consommation, très souvent, ayant besoin de la même quantité de nicotine, vous allez beaucoup plus tirer sur votre cigarette, ajoute Anne-Laurence Le Faou, addictologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou et présidente de la Société francophone de tabacologie.

« Fumer beaucoup est plus dangereux que fumer longtemps »

C’est faux

Qu’elles fument ou non, six personnes sur dix pensent que le nombre de cigarettes consommées par jour est plus dangereux que la durée du tabagisme. Or, selon l’INCa et SPF, « l’exposition prolongée dans le temps aux substances cancérigènes de la fumée du tabac est nettement plus dangereuse ». Ainsi, quand la durée du tabagisme est multipliée par deux, le risque de cancer est multiplié par vingt. Doubler la consommation quotidienne de tabac multiplie le risque de cancer par deux. Plus on arrête tôt, mieux c’est, pointe l’Institut, estimant qu’il « n’est jamais trop tard pour arrêter ».

« Faire du sport permet de se nettoyer les poumons du tabac »

C’est faux

Plus de la moitié des personnes interrogées adhèrent à l’idée fausse selon laquelle « faire du sport permet de se nettoyer les poumons du tabac ». Là aussi, cette idée est totalement fausse. « Il n’y a pas d’effet réparateur du sport sur les poumons », répond Mme Le Faou. Car même si l’on fait du sport, « il y a une agression quotidienne des voies respiratoires par la fumée du tabac, chargée de nombreux toxiques qui vont agresser les parois de l’arbre respiratoire. Elle détruit les cils vibratiles qui permettent d’éliminer ces toxiques inhalés ».

Cette « agression directe » des voies respiratoires explique la survenue chez les fumeurs « de maladies infectieuses, inflammatoires, comme la bronchite chronique et la bronchopneumopathie obstructive, et de cancers, notamment le cancer du poumon ». Par ailleurs, le sport ne peut guérir la gêne quotidienne causée par « la toux et l’essoufflement associés à la consommation de tabac », ajoute-t-elle. « L’encrassement des poumons ainsi que des vaisseaux et du cœur, notamment par les goudrons, n’est pas réversible par le biais d’une activité sportive », renchérit Marion Adler, tabacologue à l’hôpital Antoine-Béclère (AP-HP). Le seul moyen, selon elle, de « nettoyer » ses poumons des effets du tabac, consiste à « arrêter de fumer ».

« La cigarette électronique est plus nocive que la cigarette traditionnelle »

C’est faux (mais elle n’est pas totalement inoffensive)

Plus d’un Français sur deux (52,9 %) considère la cigarette électronique comme aussi ou plus nocive que la cigarette de tabac. Ils sont par ailleurs majoritairement convaincus (82,7 %) que la nicotine qu’elle contient peut provoquer un cancer.

Selon Jérôme Foucaud, responsable du département de recherches en sciences humaines et sociales, épidémiologie et santé publique au sein de l’INCa, la cigarette électronique est « incontestablement » moins nocive que la cigarette. L’un des principaux éléments nocifs liés à la cigarette, le monoxyde de carbone est « issu de la combustion » de celle-ci. « Ce phénomène de combustion, on ne l’a pas dans la cigarette électronique », explique-t-il. « Les éléments dont on dispose à l’heure actuelle ne démontrent pas de liens entre la cigarette électronique et le risque de cancers, poursuit-il. Ça ne veut pas non plus dire qu’elle est non nocive. »

« L’idée que ce qui est toxique dans le tabac est la nicotine est totalement fausse. Elle n’est pas toxique, mais addictive. Elle n’est ni mauvaise pour le cœur ni pour les poumons, et elle n’est pas cancérigène, ajoute Mme Adler. C’est d’ailleurs parce qu’elle n’est pas toxique pour la santé qu’on peut l’utiliser pour des personnes qui souffrent d’une maladie quelle qu’elle soit, dont le cancer des poumons », explique-t-elle.

Si les experts sanitaires déconseillent la cigarette électronique aux non-fumeurs, « elle peut toutefois permettre aux fumeurs d’arrêter de fumer en conservant du plaisir », poursuit la tabacologue, notamment en complément de « substituts nicotiniques » pour ne pas ressentir les effets du manque. Elle doit cependant « rester une première étape, car le but est l’arrêt total du tabac ». Pour 30 % des vapoteurs qui utilisent la cigarette électronique, l’objectif est de diminuer leur consommation de cigarettes.

Vapoter est-il sans danger ? Questions sur une « mystérieuse épidémie »

« Boire un peu de vin diminue le risque de cancer »

Ça n’a jamais été démontré

Près d’un quart des personnes interrogées pense à tort que boire un peu de vin diminue le risque de cancer plutôt que de ne pas en boire du tout. Seulement une personne interrogée sur deux affirme qu’un verre d’alcool par jour augmente le risque de cancer.

Alors, le vin peut-il prévenir les risques de cancer ? Aucune étude n’a jamais démontré ce lien, répond Mickael Naassila, président de la Société française d’alcoologie (SFA). « Plus on boit, plus le risque de cancer augmente. Mais même avec de faibles niveaux de consommation, le risque de développer certains cancers est augmenté, poursuit le professeur. Le risque de cancer du sein est ainsi augmenté dès un verre par jour. »

« Il n’y a pas de niveaux sûrs de consommation d’alcool pour sa santé, toute consommation induit un risque », conclut M. Naassila. Le chercheur lie ces idées reçues sur le vin à des « croyances anciennes » lui prêtant des « vertus antioxydantes », et pointe du doigt des « études biaisées » appliquant une « mauvaise méthodologie ». « Une étude affirmait que le resvératrol [un antioxydant naturel] présent dans le vin rouge préviendrait un cancer sur 100 000. Je ne vois pas comment on pourrait y voir des effets protecteurs. Il faudrait boire d’énormes quantités de vin rouge, donc d’alcool, qui est cancérogène. »

Selon lui, la théorie des bienfaits cardiovasculaires associés à une consommation de vin est elle aussi « invalide ». « L’alcool est un hypertenseur. Il peut induire des troubles du rythme cardiaque, donc une fibrillation auriculaire », affirme-t-il. C’est ce que démontre une récente étude américaine sur le sujet.

« Le stress augmente le risque de cancer »

Ça n’a jamais été démontré

Près de huit Français sur dix estiment que « subir le stress de la vie moderne » est un facteur de risque cancérigène. « Ne pas arriver à exprimer ses émotions » (43,90 %), « avoir été fragilisé par des expériences traumatiques » (68,10 %) sont également perçus comme des facteurs de risque. Une opinion qui se renforce à chaque édition du baromètre.

Pourtant, ce lien n’a jamais été prouvé. « A l’heure actuelle, nous n’avons pas de données qui prouvent qu’il existe un lien entre les émotions et un risque de cancer », explique Jérôme Foucaud, de l’INCa.

« Les ultraviolets solaires sont plus nocifs que les UV artificiels »

C’est faux

Neuf personnes sur dix déclarent que l’exposition au soleil constitue un risque de cancer, mais les Français manquent néanmoins d’informations sur le sujet. Par exemple 20 % estiment que l’exposition aux ultraviolets artificiels est moins nocive que celle au soleil. Pourtant, « les UV, qu’ils soient naturels ou artificiels, sont classés cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer », rappelle le baromètre.

« Les UV jouent un rôle important dans la genèse des cancers cutanés, de la cataracte et autres affections oculaires, et ils abaissent les défenses immunitaires », détaillait, en 2004, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui recommande l’interdiction pure et simple des cabines de bronzage. Et d’ajouter : « Rien ne permet de penser qu’un type quelconque de lit de bronzage soit moins nocif qu’une exposition naturelle au soleil. »

« Les données épidémiologiques montrent que le fait d’avoir été exposé seulement une fois dans sa vie à un appareil émettant des UV artificiels entraîne une augmentation de 15 % du risque de développer un mélanome cutané », ajoute l’Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire nationale (Anses).

« Mettre de la crème solaire une seule fois permet de s’exposer toute la journée »

C’est faux

Ils sont peu à y croire, mais 6,5 % des 15-75 ans n’ayant jamais eu de cancer considèrent tout de même que mettre une seule fois de la crème solaire suffit pour s’exposer au soleil toute la journée sans risque.

« L’idée de la protection au soleil est apparue, mais la protection mise en avant n’est pas la plus optimale », analyse Jérôme Foucaud. En France, la perception du bronzage reste plutôt positive. Pourtant, « une peau bronzée n’est rien d’autre qu’une peau cicatricielle ».

« L’exposition aux rayonnements ultraviolets, d’origine naturelle ou artificielle, reste la première cause des cancers cutanés, dont le mélanome, rappelle SPF. Chaque année, 80 000 nouveaux [cas de] cancers de la peau sont diagnostiqués. »

Pour limiter son exposition aux UV, l’INC recommande avant tout de porter des vêtements couvrants, des lunettes de soleil de catégorie 3 et de rester à l’ombre, notamment entre midi et 16 heures. L’application d’une crème solaire d’indice 50 toutes les deux heures se fait en complément – sans oublier de la renouveler après la baignade ou le sport. Mais même la crème indice 50 ne filtre pas à 100 % les UV, donc elle ne doit pas être un prétexte à une exposition plus longue. Quant aux enfants de moins de 3 ans, ils ne devraient tout simplement pas être exposés au soleil.

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